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Une déclaration banale du président de la SNCF provoque un torrent de mensonges de la part du président de la métropole de Montpellier

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4 octobre 2018

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L'interview de Guillaume Pépy, président de la SNCF

M. Pépy, qui dirige la structure qui chapeaute à la fois SNCF Réseau (voies ferrées et gares TGV) et SNCF Mobilités (trains), était invité le 21 septembre 2018 par le journaliste Jean-Jacques Bourdin, sur RMC et BFM-TV.

Dans cette interview, il a essentiellement exprimé les nouvelles orientations du gouvernement en matière ferroviaire: cesser de construire les lignes TGV à tort et à travers, et investir dans la rénovation du réseau ferroviaire et dans les «transports du quotidien».

L'interview peut être visionnée ci-dessous, ou en cliquant ici pour lire le verbatim de la partie qui nous intéresse.


(lien vers le fichier vidéo; la vidéo sur une page séparée)

Les points à retenir:

  • 11:10 : Pépy explique la priorité sur les transports du quotidien et «doute» de voir une nouvelle LGV «de son vivant»
  • 14:10 : le journaliste, Bourdin, l'interpelle sur cette gare fantôme «invraisemblable» à Montpellier; Pépy continue à parler des investissements dans les trains de banlieue
  • 15:11 : Pépy explique que, sur la gare de la Mogère, «la SNCF n'y est pour rien». Il précise que:
    «
    s'il fallait reprendre cette décision, il faudrait vraiment y regarder à 2 fois, à 3 fois, 10 fois».
    Il explique que la décision a été prise par l'État en 2012 et par les élus (locaux).
    Pour autant il dit qu'il faut maintenant utiliser cette gare, qu'il y aura 20 TGV par jour en 2020, et que c'est aux élus de prévoir un transport public pour y accéder.

Rien de très étonnant: on connaît les orientations du gouvernement et notamment de la ministre des transports, Élisabeth Borne.

Sur la décision, il est indéniable que les élus (l'Agglomération de Montpellier et le conseil régional du Languedoc-Roussillon, que Georges Frêche avait simultanément dirigés) ont forcé pour exiger la construction de gares TGV excentrées en échange du financement du contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier (CNM), construit principalement pour le fret.

Sur le fait que la SNCF n'y est pour rien, il faut préciser: Réseau Ferré de France (RFF) a signé la déclaration de projet de la gare de la Mogère le 31 décembre 2014, or c'est le lendemain, le 1er janvier 2015, que RFF a été rebaptisé «SNCF Réseau», et réintégré dans la SNCF, sous la direction de Guillaume Pépy. Et c'est bien RFF, alors dirigé par Jacques Rapoport, qui a également poussé pour construire cette gare excentrée, mais à cette date RFF ne faisait pas partie de la SNCF et avait souvent des intérêts différents de ceux de la SNCF. Pépy n'a donc pas totalement tort de se dédouaner de cette décision, même si l'organisme qui l'a prise est aujourd'hui sous ses ordres.

Il y a des réactions sur le fait que la construction de lignes TGV soit gelée: la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, lui a écrit dans un tweet que ce n'était pas lui qui décidait, tandis que le président du lobby pro-TGV («Eurosud», dirigée par le président du CESER, Jean-Louis Chauzy) l'invitait à démissionner dans un autre tweet.

La réaction extravagante de Philippe Saurel, président de la métropole de Montpellier, et ses mensonges éhontés

Saurel a réagi à ces déclarations somme toute banales en convoquant la presse locale, lors d'une conférence de presse qui a eu lieu le 23 septembre 2018.

Cliquer ici pour voir et entendre cette conférence de presse, et lire un verbatim détaillé qui fait ressortir les erreurs et mensonges.

Une partie de sa réaction était attendue, idiote mais classique: c'est la fuite en avant dans l'erreur.
- il y a peu de trains dans cette gare inaccessible pour les voyageurs? Mettons-en plus et les voyageurs perdront encore plus de temps et rateront des correspondances!
- l'accès en voiture pose des problèmes inextricable? Construisons plus de routes pour que les voyageurs soient encore plus nombreux à s'y rendre en voiture!

Mais d'autres points sont plus inattendus, car ils sont purement et simplement mensongers, ou du moins erronés.

Tout d'abord, il menace les personnes qui ne seraient pas en accord avec lui (jusqu'à «la cautérisation à chaud»), et qui diraient des «choses fausses»: d'où un problème pour les journalistes suivant cette conférence de presse, où Saurel a dit une grande quantité de «choses fausses».


Dans une première partie sur l'historique de cette gare, il invente la théorie selon laquelle le CNM (contournement fret-TGV de Nîmes et Montpellier) aurait été décidé en 2009, lors d'un débat public, en même temps que les gares excentrées de Montpellier et de Nîmes. En réalité, le CNM avait été totalement entériné lors de la DUP (déclaration d'utilité publique) de 2005, et le débat de 2009 portait sur les projets de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (et c'est uniquement dans ce cadre qu'il estimait utile de construire une 2e gare TGV près de Montpellier, à un emplacement qui n'avait pas besoin d'être la Mogère car la SNCF proposait également Saint-Jean-de-Védas; ce projet est aujourd'hui ajourné, comme l'explique Guillaume Pépy).

(NB: sur ce sujet, on peut relire ce document que nous produit lors de l'enquête publique de 2014 sur la gare TGV: il explique en détail comment la décision a été progressivement imposée).

Il conteste à plusieurs reprises le fait que Pépy dit «qu'il n'est pas au courant» de la gare TGV de la Mogère. En réalité, Guillaume Pépy est évidemment au courant, mais il affirme juste n'y être pour rien, ce qui est logique puisque la décision a été prise par les élus locaux, RFF juste avant sa réintégration dans la SNCF, et l'État. Une lourde responsabilité repose donc sur les élus qui ont pris cette décision, à la Métropole de Montpellier (Frêche, Moure, Saurel), et à la Région Languedoc-Roussillon (à l'époque de Frêche). Pépy a dit en outre qu'il aurait fallu y réfléchir à 2, 3 ou 10 fois avant de prendre cette décision, et c'est une pure évidence.

Saurel exhibe ensuite une lettre qu'il aurait envoyé à Jacques Rapoport, alors président de Réseau Ferré de France, pour lui demander de retarder la construction de la gare de la Mogère et faire qu'elle soit mise en service en même temps que celle de Manduel, et la lettre par laquelle Rapoport aurait refusé cette possibilité. Cette lettre n'ayant pas été rendue publique, nous en avons fait la demande, que Saurel rejettera, ce qui permettra à la CADA (commission d'accès aux documents administratifs) de dire qu'elle est communicable, et ainsi Saurel aura réussi à cacher pendant encore un an le contenu de cette lettre, pour autant qu'elle existe. En réalité, s'il semble avéré que Rapoport a fait pression sur Saurel pour que celui-ci n'abandonne pas le projet de gare de la Mogère (ce qui atteste au passage le fait que c'était envisageable), on ne voit pas bien pourquoi il aurait été aussi véhément pour une simple demande d'ajustement de calendrier. Cette proposition, du reste, a peu d'intérêt: la partie inférieure de la gare était plus facile à construire avant que le CNM n'entre en service en décembre 2017, et la gare elle-même est tout aussi inutile même si on la retardait de 6 mois ou 1 an, le problème étant qu'elle est mal placée et qu'elle interdit à jamais toute correspondance ferroviaire.

Saurel continue par un numéro de victimisation, se plaignant de l'ajournement du projet de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan, dont il affirme que le CNM (contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier) ferait partie, ce qui est évidemment impossible. C'est uniquement de la gare excentrée de Montpellier qu'il a été dit, en 2009, qu'elle serait nécessaire en cas de ligne nouvelle Montpellier-Perpignan: les personnes qui, comme Saurel, ont continué à pousser ce projet alors qu'on savait depuis longtemps que la ligne Montpellier-Perpignan était repoussée à long terme, sont responsables de leur erreur.

Saurel évoque ensuite les projets, déjà anciens, de ligne TGV entre la France et l'Espagne, ce qui nous éloigne du sujet. Ce faisant, il développe une théorie très peu crédible sur une raison qui pousserait la SNCF à refuser de nouvelles LGV (ce serait pour gêner ses futurs concurrents), et il mentionne le projet de TGV privé entre Madrid et Montpellier sans indiquer que c'est la gare St-Roch que souhaite desservir l'opérateur privé espagnol Air Nostrum. Ses explications sur les financements européens et sur la mixité fret-TGV sont tout aussi fouillis et inexacts.

Saurel en conclut qu'il est victime d'un «héritage». Lui qui n'a jamais renié l'héritage de Georges Frêche et qui a finalement repris à son compte tout celui de Jean-Pierre Moure, il est surprenant qu'il invoque un tel «héritage», surtout vu l'énergie qu'il a développée pour que la 2e gare TGV soit construite.


Dans une 2e partie, Saurel évoque les problèmes que pose la gare de la Mogère.

Son argumentation est basée en majeure partie sur un énorme mensonge: le fait qu'il y aurait 2 OuiGo qui arrivent presque en même temps dans la gare. Or, outre le fait qu'il n'est pas choquant que 2 trains arrivent en même temps dans une ville de la taille de Montpellier, le fait est qu'il n'y a pas 2 OuiGo à la gare de la Mogère, mais un unique OuiGo quotidien, avec un délai de 50 mn entre son arrivée depuis Roissy et son départ vers Roissy. Toute l'argumentation de Saurel s'écroule donc lamentablement.

Saurel évoque ensuite les accès routiers, sans vraiment avouer que c'est la Métropole qui est responsable des circuits extravagants que doivent faire les automobilistes pour rejoindre cette gare. Toutefois, même avec des accès routiers bien conçus, ce serait le chaos car une gare TGV excentrée, même peu fréquentée, engendre mécaniquement un énorme trafic automobile et un besoin épouvantable de surfaces de parking. Quoi qu'il en soit, Saurel met à l'évidence sur le dos de la SNCF des choix qui viennent en réalité de la Métropole.

Saurel justifie également les problèmes par le fait que les OuiGo sont terminus à la gare de la Mogère. Ce qui ne pose pourtant aucun problème lorsque des OuiGo ou des TGV classiques sont terminus à la gare TGV du centre-ville, la gare St-Roch.

Il se vante ensuite d'avoir fait voter la construction de ponts sur l'autoroute A9 (nouvelle) et le CNM pour y construire le tramway. Il n'y a pourtant pas de quoi en être fier, car pour une telle décision il avait l'obligation de faire une étude d'impact (ce qui n'a pas été fait) car la pertinence du projet de tramway n'a jamais été démontrée par la Métropole, et d'autre part cette décision a été votée en moins d'une minute, sans débat, par des élus du conseil de Métropole, qui avaient été trompés sur la réalité du vote. L'article détaillé reprend la vidéo du vote.

Saurel explique le projet de réduire l'espace piéton du pont entre Odysseum et la gare de la Mogère, pour que les voitures puissent s'y croiser. Il ne semble pas préoccupé par le nombre de lycéens qui y passent tous les jours, à pied ou à vélo, et qui n'y seront plus vraiment les bienvenus.

Il explique que le projet de tramway a été envisagé «dès [son] arrivée, en 2014», ce qui est parfaitement exact. Mais il ne dit pas pourquoi le projet a été abandonné. Le verbatim détaillé donne un indice: la Métropole a reçu une décision très embêtant de la part de l'Autorité Environnementale du CGEDD, lui imposant d'évaluer l'impact et la pertinence du programme complet, c'est-à-dire le tramway, mais également la gare TGV et la ZAC Oz 1 (aujourd'hui ZAC Cambacérès).


Dans une 3e partie, Saurel parle de l'avenir de cette gare excentrée. Essentiellement un appel à la fuite en avant, et des considérations sans grand intérêt.


Enfin, lors des réponses aux questions des journalistes, Saurel s'embourbe gravement dans son mensonge sur les prétendus «2 OuiGo par jour», qu'il imagine partant du même endroit et arrivant au même endroit à la même heure... Il finit par appeler un fonctionnaire à l'aide.

Le fonctionnaire, d'ailleurs, innove avec une nouvelle théorie: les OuiGo arriveraient à la gare excentrée tout simplement parce qu'ils ne seraient pas compatibles avec la ligne classique. Ceci est apparemment un pur mensonge.

Saurel répète que, selon lui, il était impossible d'arrêter le projet. Dans sa démonstration, il cite l'existence de contrats de partenariat public-privé (PPP), en confondant abusivement celui de la gare et celui du CNM, et sans préciser qu'il a pris la décision de pousser le projet avant même que le PPP de la gare ne soit signé.

Pour finir, il revient à la charge avec ses «2 milliards» (d'euros), un mensonge qu'il utilise depuis des années contre toute évidence. Ceci est détaillé dans notre «désintox n°2» consacré à ces 2 milliards, qui ne sont absolument pas le coût d'une pénalité en cas de retrait du projet, mais le coût de construction du CNM (contournement de Nîmes et Montpellier) décidé en 2005.


Bref, si les journalistes n'étaient pas parfaitement informés au départ, ils ont dû ressortir de la conférence de presse de Philippe Saurel avec les idées très embrouillées!



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