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Désintox: Les Tartuffe de la gare TGV de Montpellier la Mogère
1. Une gare non inondable?

Sommaire de la rubrique «désintox»

Présentation du feuilleton Renvois vers les chapitres de cette page:

Épisode 1: Une gare non inondable? (avec Philippe Saurel, le préfet Pierre de Bousquet de Florian,...)

Au-delà de tous les débats sur la pertinence de la nouvelle gare TGV de Montpellier (son coût, son inutilité, son emplacement à un endroit ne permettant aucune correspondance, sa justification par la construction d'une zone de bureaux sur les terres agricoles les plus fertiles de Montpellier,...), le débat tourne fréquemment autour de sa localisation en zone inondable.

Pendant longtemps, les partisans de la gare de la Mogère, à commencer par Philippe Saurel (maire de Montpellier et président de la Métropole), jouaient les surpris: «en zone inondable? vous me l'apprenez!». Mais au bout de quelques mois, la presse ayant largement relayé ce problème, ils ne peuvent plus feindre de découvrir le problème, et ils se mettent à le nier. Et ceci, qu'il s'agisse de Philippe Saurel, de son prédécesseur Jean-Pierre Moure (PS, ex-maire de Cournonsec et ex-président de l'Agglomération, aujourd'hui élu d'opposition à Montpellier), ou encore du préfet de l'Hérault, Pierre de Bousquet de Florian.

Extraits des principales positions

Philippe Saurel réplique carrément, en réponse à une élue (France Jamet, FN, plus remontée que d'habitude contre la gare de la Mogère), que la gare de la Mogère n'est pas en zone inondable (conseil municipal de Montpellier, 29/09/2015) - 55 secondes:

Jean-Pierre Moure explique que «le commissaire enquêteur a tordu le cou à ceux qui disaient que la gare est inondable» (sic). Il explique que le bétonnage (en zone inondable, donc) réduit les risques d'inondation (conseil de métropole de Montpellier, 30/09/2015) - 38 secondes:

Le préfet de l'Hérault, Pierre de Bousquet de Florian utilise tous ses talents oratoires d'énarque pour minimiser le caractère inondable et la zone rouge où se trouve la gare (France 3 Languedoc-Roussillon, 08/10/2015, JT 12h/13h) - 42 secondes:

Au contraire, le Collectif anti-Mogère, et Christian Dupraz (EELV, candidat «Le projet en commun» aux régionales 2015) expliquent que la zone est bien inondable et que les risques sont réels (France 2, 08/10/2015, journal de 13h) - 2mn 14s:



Et aussi cette déclaration faite au journaliste du Canard Enchaîné du 3 décembre 2014: «Philippe Saurel assure contre toute évidence au "Canard" que "La gare ne sera pas en zone inondable"»:

La gare est-elle prévue sur une zone inondable?

Remarquons la nuance: Jean-Pierre Moure (ex-président de l'ex-Métropole) et le préfet Pierre de Bousquet de Florian ne disent pas que la gare n'est pas construite sur une zone inondable: ils disent que tout a été prévu pour que la gare ne soit pas inondée. On y reviendra.

Par contre, Philippe Saurel (maire et président de la Métropole de Montpellier) affirme littéralement que la gare n'est pas en zone inondable, et ceci par la volonté d'un commissaire enquêteur. Et ceci est totalement faux. Nous reviendrons sur la question du commissaire enquêteur.

La preuve que la gare se situe sur une zone inondable est facile à trouver: directement dans le dossier soumis à l'enquête publique par le maître d'ouvrage, Réseau Ferré de France (RFF, aujourd'hui SNCF Réseau).

Voici par exemple la figure n°103 de la «Pièce F - Étude d'impact et d'incidence Natura 2000», soumise à l'enquête publique en septembre-octobre 2014. La zone hachurée en rouge correspond à la zone «rouge» (niveau maximal) du Plan de Prévention des Risques d'inondation (PPRi): il s'agit du lit du Nègue-Cats, un petit ruisseau discret, mais qui déborde à chaque forte pluie, et qui a noyé de nombreuses voitures sur la route de l'aéroport le 29 septembre 2014.

Extrait du PPRi

Ceci ne signifie pas que la salle d'attente sera inondée, mais que la construction de la gare nécessite de remblayer le lit du Nègue-Cats, en amont et en aval de la gare, exactement dans le lit du ruisseau et dans la zone rouge du PPRi, comme l'a indiqué RFF à la figure 1 de son «Mémoire en réponse à l'avis de l'Autorité Environnementale» du CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable, un service du ministère de l'écologie):



La conclusion sur la zone inondable est donc irréfutable, et même les partisans de la gare ne la contestent pas, à l'exception notable de Philippe Saurel: la gare de la Mogère, son parvis (au nord) et son parking (au sud) sont bien situés sur une zone inondable (classée niveau rouge, c'est-à-dire le plus haut: «inconstructible») du PPRi. Et son parvis ainsi que son parking sont tous les deux prévus sur d'imposants remblais construits dans la zone inondable du Nègue-Cats, ce qui est précisément interdit.

Le commissaire enquêteur a-t-il tordu le cou à l'inondabilité?

Selon Jean-Pierre Moure, «le commissaire enquêteur a tordu le cou à ceux qui disaient que la gare est inondable». Moure voulait sans doute dire «...a tordu le cou aux affirmations de ceux qui disaient...)».

Selon Philippe Saurel, «le commissaire enquêteur a levé cette disposition-là [l'inondabilité]» et «a délibéré là-dessus».

Qui est donc ce commissaire enquêteur et qu'a-t-il dit au juste? Rappelons qu'un commissaire enquêteur est une personne, généralement retraitée de l'administration, qui est chargée d'exprimer un avis personnel à l'issue des enquêtes publiques. Il ne peut rien décider, rien décréter, ni lever une quelconque disposition: il se contente d'émettre un avis qui n'est contraignant pour personne (même s'il est évident que cet avis peut avoir une importance). Et il n'a aucune raison de «délibérer», puisqu'il se prononce seul.

Sur la gare de la Mogère, le principal commissaire enquêteur a été Pierre Balandraud, nommé lors de l'enquête publique sur la déclaration de projet de la gare, en octobre 2014. Et il n'a nullement nié le risque d'inondation (voir son rapport, pages 59 à 62):

  • RFF lui explique que la gare est en zone inondable car il n'y avait pas d'alternative:

       «Ainsi, un positionnement totalement hors secteur de la zone à forte sensibilité hydraulique ne permettait pas de s’affranchir des contraintes techniques.»

  • RFF se base ensuite sur le saucissonnage du projet: il promet que la question sera étudiée par l'entreprise en charge de construire la gare (aujourd'hui, on constate que cela n'a pas été le cas), et qu'il sera toujours temps d'y réfléchir plus tard:

       «Le titulaire du contrat de partenariat qui réalisera la gare devra tenir compte de ces éléments. Il devra également mener des études complémentaires et élaborer un dossier réglementaire pour obtenir les autorisations au titre de la Loi sur l’eau. Les services de l’Etat seront consultés (...).
       Les éléments indiqués dans le dossier d’enquête publique de la gare nouvelle pour la prise en compte du risque inondation et de façon plus large pour la gestion des eaux superficielles et souterraines seront approfondis dans le cadre de la réflexion des aménagements et des études à conduire en vue de la réalisation du dossier Loi sur l’Eau, conditionnant la réalisation du projet. Le dimensionnement précis des ouvrages restent à affiner avec l’avancement de la définition du projet et les discussions à venir avec les services de l’Etat.»

  • Quant au commissaire enquêteur Pierre Balandraud, il appelle explicitement le Préfet et l'Agglomération de Montpellier à la plus grande prudence, et tenir compte des remarques de l'association Mosson Coulée Verte:

       «D’autre part le C-E [commissaire enquêteur] attire l’attention des services de l’Etat et de la communauté d’agglomération sur la contribution de l’association « Mosson coulée Verte » qui a produit un document « analyse critique du schéma directeur hydraulique du bassin Nègue-Cats ».
       L’association « Mosson Coulée Verte » a fait savoir au C-E qu’elle a communiqué à la communauté d’agglomération de Montpellier, accompagnée de commentaires, copie de son analyse critique du schéma.
       Le C-E souhaite que les services de Montpellier Agglomération ainsi que les services de l’Etat concernés examinent avec beaucoup d’attention cette contribution de l’association « Mosson Coulée Verte ». Contribution basée sur leur expérience et sur leur constat de sinistres observés dans des secteurs récemment urbanisés où à priori tout avait été prévu pour qu’il n’y en ait pas.»

Un autre commissaire enquêteur, Frédéric H. SZCZOT, a été nommé pour deux enquêtes publiques concernant la ZAC OZ1: pour les autorisations «Loi sur l'eau» (avril 2015) et pour la DUP de la zone OZ1 (janvier 2014). Il a été très modeste dans son travail:

  • sur la DUP de la ZAC OZ1, il n'a pas du tout étudié les risques d'inondation, et a juste indiqué qu'une partie des 350 hectares seraient «laissés non "bétonnés"» car ils sont inondables.

  • sur les autorisations «Loi sur l'eau», il n'a exprimé aucun avis, et s'est limité à estimer que le dossier était bien fait, que le public avait fait des remarques très pertinentes (toutes défavorables au projet), que l'Agglomération de Montpellier y avait très bien répondu, et que celle-ci affirmait que les risques d'inondation liés au Nègue-Cats «aux débordements redoutables» seraient réduits après les aménagements prévus.

En conclusion: ni l'un ni l'autre des commissaires enquêteurs, pourtant favorables aux projets, n'ont nié la réalité des risques d'inondation. Au contraire, Balandraud (gare TGV) a appelé les autorités à la prudence et à prendre en compte les arguments de l'association Mosson Coulée Verte, et Szczot (ZAC OZ1) a souligné les «débordements redoutables» du Nègue-Cats qui passe sous la gare, son parvis et son parking. Quant à supprimer le caractère inondable de la zone, ce n'était évidemment pas dans leurs attributions.

L'affirmation de Philippe Saurel est donc mensongère, et l'affirmation de Jean-Pierre Moure est trompeuse et hors-sujet sans être réellement mensongère (car ce n'est pas la gare elle-même qui est inondable, si l'on désigne ainsi le «bâtiment voyageurs», et les commissaires enquêteurs n'avaient donc pas à se prononcer sur ce point).

Qu'est-ce qu'une zone rouge du PPRi?

Le «plan de prévention des risques d'inondation» (PPRi) est un document adopté pour identifier les zones à risque et permettre de les réduire.

L'espace est séparé en zones de trois couleurs différentes:

  • zone blanche: pas de risque
  • zone bleue: risque modéré, la construction est autorisée avec certaines conditions (par exemple que rien ne soit installé au rez-de-chaussée)
  • zone rouge: risque élevé, la construction est interdite. Les infrastructures linéaires (routes, voies ferrées) peuvent cependant traverser les zones rouges.

Il y a deux raisons pour interdire la construction en zone rouge:

1. Les risques pour les personnes et les biens dans les zones concernées, et le coût de plus en plus élevé des indemnisations après sinistre;

2. Les risques pour les personnes et les biens dans les zones voisines: même si la construction est elle-même bien protégée contre les inondations, elle risque de limiter l'écoulement des eaux (et donc augmenter les risques d'inondation en amont), ou bien augmenter le taux de ruissellement et la vitesse d'écoulement de l'eau en aval (et donc augmenter les risques d'inondation en aval).

Ces principes sont par exemple expliqués dans cette brochure de la préfecture de région du Languedoc-Roussillon:

« Le règlement associé au zonage expose les dispositions qui s'appliquent à chaque zone. Il contient généralement deux types de zones, des zones bleues constructibles sous condition et des zones rouges inconstructibles.

Les zones rouges sont inconstructibles pour deux raisons. Compte tenu de la force de l'aléa, on ne pourrait y assurer une protection satisfaisante des personnes (sécurité) et de nouveaux enjeux (coût trop élevé).

De plus, l'urbanisation des zones d'expansion de crue (zones rouges naturelles), en empêchant les crues de s'y épandre, aggraverait le risque ailleurs (augmentation des hauteurs d'eau et des vitesses locales d'écoulement).

Dans les zones bleues, les nouvelles constructions sont soumises à condition (ex : aménager un vide sanitaire, d'une hauteur précisée, mettant l'habitation hors d'eau).»

La gare de la Mogère risque-t-elle d'être inondée?

On pense bien sûr à la gare SNCF de Cannes, dont les voies, les quais, le hall, ainsi qu'une rame TER, ont été inondés sous un mètre d'eau et de boue, le samedi 3 octobre 2015.
Gare de Cannes, le 3 octobre 2015
Quai de la gare de Cannes, le 3 octobre 2015 (photo SNCF, Ma Ligne TER)

À la Mogère, le «bâtiment voyageurs» (le hall, la salle d'attente, les guichets,...) n'a aucun risque d'être inondé, puisqu'il est prévu sur des piliers en béton au-dessus des voies et des quais: c'est le principe de la «gare-pont».

Le risque existe par contre pour les voies et les quais, situés en contre-bas, du fait de l'écoulement de l'eau rendu plus difficile dans la buse construite sous le parking. Et le projet a perdu une partie de la «transparence hydraulique» (sa capacité à être traversé par l'eau sans la ralentir), car deux rangées des piliers initialement prévus ont été remplacées par de longs «murs anti-déraillement», ouvrages certainement destinés à éviter la reproduction de l'accident de Brétigny-sur-Orge, où de nombreux voyageurs avaient été tués sur le quai par un train qui venait de dérailler.

Concernant le parvis nord et le parking sud, la hauteur du remblais sur lequel ils sont prévus fait qu'il semble également difficile qu'ils soient inondés.

Quels sont les risques pour les secteurs voisins?

Le premier risque est lié au manque de «transparence hydraulique». Dans ce secteur constamment imbibé d'eau, de gros moyens ont été investis pour que les infrastructures n'aggravent pas les risques d'inondation. On le constate par exemple avec les grands viaducs «Lez - Lironde» qui permettent au contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier (CNM) et au doublement de l'autoroute A9 (A9b) de traverser le Lez et la dépression de la Lironde de Lattes (à ne pas confondre avec la Lironde de Montferrier). Il aurait été beaucoup moins coûteux de construire de grands remblais pour supporter ces infrastructures, en ne laissant que le passage pour les routes qui les traversent (avenue de la Mer, avenue des Platanes,...), mais la prévention des risques d'inondation a interdit ce choix technique.

Or la gare de la Mogère constitue, pour sa part, une énorme barrière à l'écoulement des eaux, à cause des grands remblais supportant le parvis au nord de la gare et le parking au sud. Et dans une moindre mesure, les murs anti-déraillement. Toutes les règles de prudence ont donc été violées.

Les conséquences sont claires: en cas de fortes précipitations, si la buse est insuffisante ou si elle est obstruée (par des branchages ou d'autres déchets, par exemple une voiture), l'eau risque de s'accumuler au nord de la gare, c'est-à-dire dans le quartier Odysseum déjà soumis à des débordements occasionnels et dans la partie nord du quartier ZAC OZ 1.

Le second risque est lié à la réduction de la zone d'expansion des crues. On sait depuis longtemps que lorsque l'on canalise un cours d'eau pour se protéger contre ses inondations, le risque est en réalité transféré en aval. Or en aval du Nègue-Cats, on arrive dans des zones marécageuses où il n'est plus possible de se protéger car le risque provient à la fois de l'écoulement de l'eau et de la submersion marine.

Cette nécessité de maintenir une zone d'expansion des crues autour du ruisseau du Nègue-Cats est à l'origine du slogan «Oz Nature Urbaine» inventé sous Jean-Pierre Moure, à l'époque de la ruineuse campagne publicitaire mOntpellier un-limited. La bande inconstructible, car située en zone rouge du PPRi, était représentée par des artistes institutionnels pleins d'imagination comme une immense zone naturelle peuplée d'enfants désœuvrés au bord du Nègue-Cats, et de jardins ouvriers où broutent des chevaux. Rappelons qu'il s'agit d'une zone entourée par un immense quartier de bureaux et en partie coincée entre deux autoroutes à 6 voies chacune...


Présentation de «Oz Nature Urbaine» (2012, Agglomération de Montpellier, Urban Attitude)

La construction des remblais en zone inondable a nécessairement pour effet de réduire la zone d'expansion des crues, et donc d'augmenter les risques d'inondation en aval.

Le troisième risque est lié à l'imperméabilisation des sols. Celui-ci n'est pas seulement lié aux constructions dans la zone inondable elle-même, mais surtout à l'urbanisation des zones situées au-dessus de celle-ci. Dans les terres agricoles ou naturelles, en cas de fortes pluies, les sols absorbent une partie des précipitations (surtout si elles ont peu de relief), et laissent s'écouler l'eau progressivement après les pluies.

Or l'urbanisation des zones voisines imperméabilise les sols et les empêche de jouer leur rôle d'amortisseur. Dans le cas de la gare de la Mogère, il s'agit du parking et du parvis, mais surtout de l'énorme ZAC OZ prévue autour, qui est en réalité l'unique justification de cette gare (car sur le plan ferroviaire, elle est parfaitement inutile). La ZAC OZ est constituée de 60 hectares (dont 30 hectares construits) dans sa première phase dite «ZAC OZ1», et la surface totale reste prévue à 350 hectares pour l'ensemble du projet. À ceci, il faut ajouter l'imperméabilisation liée les projets immobiliers voisins comme Urban Park (à Lattes, déjà imperméabilisé), aux routes d'accès, à l'extension du tramway, etc...

Or les risques en aval sont déjà importants. Les quartiers de Mauguio Fréjorgues Ouest, de l'Aréna de Pérols, ou du Fenouillet à Pérols (Auchan), sont régulièrement inondés par les débordements du Nègue-Cats. Il ne s'agit donc pas de risques théoriques.

Illustration par des photos du Nègue-Cats, extraites du reportage du Midi-Libre lors des inondations du 29 septembre 2014. Photo de gauche (Guillaume de Turckheim): la route de l'aéroport à Pérols devant Truffaut; de très nombreuses voitures ont été noyées par le Nègue-Cats qui traverse la route à cet endroit pour rejoindre l'Étang de l'Or. Photo de droite (Mickaël Cayetano): l'avenue de la Mer (Av G.Frêche) à Pérols, au Fenouillet (Auchan est juste à gauche et sa galerie a été inondée); cet endroit est connecté au Nègue-Cats par des canaux.

Le quatrième risque est lié à l'augmentation de la fréquentation. Ce secteur est déjà fréquemment inondé, mais il est peu dense et ses usagers sont en partie conscients des dangers et du comportement à adopter en cas de crue (le nombre de voitures noyées à chaque inondation prouve cependant que ce n'est pas le cas de tout le monde).

Le problème est qu'il est question d'y aménager un grand quartier de bureaux, ainsi qu'une zone étudiante (l'école de commerce). Il y aurait donc beaucoup d'usagers travaillant dans le secteur, et qui en cas de crue se précipiteraient dans leur voiture pour rentrer chez eux. Il y aurait donc des embouteillages survenant en pleines zones inondées. Or on sait que les victimes d'inondations se comptent essentiellement chez les automobilistes emportés par l'eau (exemple du couple de retraités décédés le 23 août 2015 à Montpellier, emportés dans leur voiture par le Verdanson), ou allant chercher leur voiture dans un parking inondable (la moitié des nombreuses victimes recensées dans le secteur de Cannes le 3 octobre 2015).

Est-ce que tout a été prévu de façon à réduire les risques?

À part Philippe Saurel, personne ne conteste sérieusement la réalité des risques exposés ci-dessus. La défense des partisans de la gare de la Mogère consiste plutôt à dire que tout a été prévu, et que grâce aux aménagements qui accompagnent la gare et le quartier ZAC OZ, les risques d'inondation seront désormais supprimés.

Leur argumentation consiste à citer le «schéma directeur du Nègue-Cats», un projet que la préfecture de l'Hérault a approuvé les yeux fermés, de même que les élus en charge des risques d'inondation du bassin versant.

Des aménagements construits «avant la mise en service de la gare»?

Le préfet Pierre de Bousquet de Florian explique (vidéos au début de cette page) que des bassins de rétention seront construits avant la mise en service de la gare. Cette réponse n'est hélas pas acceptable, car les risques pour les quartiers voisins existent même si la gare n'est pas encore en service. Or on constate dans les images du journal de 13h de France 2 du 8 octobre 2015 (mentionné plus haut), que la construction du remblais en zone inondable destiné au parking de la gare a déjà commencé, alors que les bassins de rétention promis ne sont toujours pas présents.

Pour l'instant, les travaux augmentent donc les risques, et la seule protection est une promesse de bassins de rétention.

Les bassins de rétention protègent-ils de tout?

L'épisode qui a gravement touché le secteur de Cannes le 3 octobre 2015 le prouve tristement: les bassins de rétention ne protègent pas de tout.

Plus précisément, ils sont efficaces pour la forte pluie pour laquelle ils ont été calibrés. Par contre, lorsque la pluie se répète, et c'est ce qu'il s'est passé à Cannes, ils ne servent plus à rien car ils sont déjà plein et débordent au lieu de retenir l'eau.

Les sols naturels peuvent eux aussi être saturés d'eau et ne plus rien pouvoir absorber, mais le phénomène est moins violent dans leur cas: en effet, une bonne partie des sols naturels est située à un niveau qui permet à l'eau qu'ils retiennent de s'écouler progressivement après la pluie. Tandis que les bassins de rétention, nécessairement situés en zone basse et donc dans des sols gorgés d'eau en période d'inondation, s'évacuent très difficilement après une forte pluie.

Les ouvrages ont-ils été bien calibrés?

Sur cette question, fort complexe, il est possible de consulter:

Sans s'embarquer dans tous les détails, on peut constater de gros manquements:
  • Les risques d'inondations ont été étudiés dans le cadre de la ZAC OZ1, en ignorant les projets connexes dont la gare elle-même (d'où l'affirmation que «aucun bâtiment ne sera construit dans la zone inondable actuelle du Negue Cats»!), le tramway, les routes, le projet Urban Park, etc...
    Or tous ces projets contribuent à augmenter le ruissellement de l'eau vers les zones inondables.

  • Le nombre et la localisation des bassins prévus est incohérente selon les différents documents présentés.

  • La possibilité que plusieurs fortes pluies surviennent à peu de temps d'intervalle n'a pas été prise en compte: les bassins sont supposés vides au début d'un épisode méditerranéen. Or le climat méditerranéen fait que les épisodes pluvieux arrivent souvent par série rapprochées, parce que les conditions nécessaires à leur survenue restent réunies pendant plusieurs jours ou semaines (mer restée chaude, vent marin).

  • Non seulement le risque de débordement des bassins n'est pas pris en compte, mais même le débit en aval de la ZAC OZ 1 n'est pas calculé: il est pris comme une donnée d'entrée. L'Agglomération de Montpellier veut nous faire gober que l'écoulement en aval de la ZAC OZ 1 sera uniquement lié au taux de «fuite» des bassins de rétention, et que celui-ci sera égal au débit actuel du Nègue-Cats en cas de crue quinquennale, quelle que soit la force des précipitations.

    On le constate dans le tableau ci-dessous, extrait du dossier d'enquête «Loi sur l'eau ZAC OZ 1» (avril 2015), p.100.
       Dans la partie gauche (état initial), le débit en aval de la zone est calculé, sur les diverses branches du Nègue-Cats, en fonction de la force des précipitation. Il est donc plus faible pour une crue d'occurrence quinquennale (Q5) que pour une crue d'occurrence centennale (Q100).
       Dans la partie centrale (état projet sans compensation), il est indiqué que les débits augmentent si le projet est réalisé, du fait de l'imperméabilisation des sols.
       Mais dans la partie droite (état projet après compensation), un miracle se produit: quelle que soit la force des précipitations, les débits sont strictement identiques, et égaux à ceux estimés actuellement en cas de crue d'occurrence quinquennale.
       Ce tableau montre clairement que les débits n'ont en réalité pas été calculés, mais sont pris comme hypothèse d'entrée.
  • Les risques sont ignorés par les décideurs, qui feignent ensuite d'être émus par des drames que personne n'aurait pu prévoir.
    Ainsi, Philippe Saurel, s'exprimant le 30 septembre 2014 (sur BFM TV) au lendemain d'une grave crue du Nègue-Cats, qui avait également vu le Lez monter fortement (mais sans conséquence notable):
        «C’est la première fois que je vois le niveau du Lez monter à ce niveau et noyer les bases de la mairie de Montpellier : les fondations ont été ensevelies d’eau et c’est la première fois que je vois cela.»
    Il y a pourtant une raison toute simple qui explique que la mairie soit ainsi menacée pour la première fois par le Lez: elle vient d'être construite au bord du Lez, à l'embouchure du ruisseau des Aiguerelles, et avec des parkings souterrains sous le niveau de crue du Lez. L'ancienne mairie, située au Polygone, loin du Lez, n'avait donc jamais été menacée par le Lez.

  • Le même Philippe Saurel, qui se montrait choqué à la télé le lendemain de la crue du 29 septembre 2014, signe trois mois plus tard une lettre (adressée à Mosson Coulée Verte) dans laquelle il explique qu'il ne faut tirer aucun leçon de cette crue du Nègue Cats. En effet, selon lui, la pluie qui a eu lieu est «exceptionnelle», et ne justifie pas de réévaluer à la hausse les valeurs de précipitations centennales (qui sont plus faibles que celles enregistrées ce jour-là). Si «cet événement dépasse largement l'occurrence centennale», ce n'est pas que les valeurs de référence sont sous-estimées, mais tout simplement qu'il a plu d'une manière exceptionnelle qui ne se produit que tous les 1000 ans. C'est un cas rare d'aveuglement: il est fréquent que la mémoire collective oublie les épisodes violents, mais l'oubli se produit généralement après quelques décennies, tandis que dans l'Agglomération de Montpellier cet oubli s'est déjà produit 3 mois après l'épisode violent:
       

En conclusion

Le cas de Philippe Saurel est hors norme, tant il pratique un déni frontal, ignorant les réalités les plus évidentes, jusqu'à affirmer que la gare de la Mogère n'est pas prévue sur une zone inondable. Il est le seul à mentir aussi effrontément.

Les autres personnes concernées, c'est-à-dire les élus (comme son prédécesseur Jean-Pierre Moure, et les élus en charge des comités de bassin censés lutter contre les risques d'inondation), le préfet de l'Hérault et du Languedoc-Roussillon (Pierre de Bousquet de Florian), et les institutions (Métropole de Montpellier et ses satellites SERM et SAAM, RFF devenu SNCF Réseau), sont plus prudentes dans leurs dénégations en évitant de nier frontalement le risque d'inondation, mais dans les faits elles ne sont pas moins inconscientes.

Avec des travaux lancés avant le début de tout aménagement hydraulique, et des aménagements basés sur des bassins de rétention qui ne défendent que contre des épisodes pluvieux isolés, aménagements calibrés avec des calculs grossièrement erronés et basés sur des données obsolètes en ignorant la réalité des risques d'inondation, il y a un large consensus de tous les décideurs de la région pour fermer les yeux sur les conséquences futures de leurs actes.