GareTGV.free.fr

Halte à l'enfumage: les gares de la Mogère et de Manduel ne sont pas nécessaires pour le fret ferroviaire ni au désengorgement de la gare St-Roch (partie 1)

Lien dans le recueil 2e trimestre 2016
Lien sur une page séparée
6 avril 2016

info suivante =>


La gare de la Mogère nécessaire aux trains de fret? Un compilation de mensonges

L'idée que la gare de la Mogère (ou la gare de Manduel) est nécessaire pour que les trains de fret ne passent plus par le centre-ville de Montpellier (ou de Nîmes), et réduise ainsi la congestion des gares existantes et les nuisances pour les riverains, est une légende entretenue avec soin.

La Gazette de Montpellier (qui est un peu l'organe officieux de la Métropole de Montpellier) publiait ainsi ces arguments le 4 février 2016, auxquels nous avons répliqué:

De même, Michaël Delafosse (élu local PS) publiait dans la Gazette de Montpellier du 19 novembre 2015 un plaidoyer pour la gare de la Mogère (voir la réponse que nous lui faisions alors), où il disait notamment:

Carole Delga (alors candidate PS à la Région) indiquait, dans une interview à La Tribune du 6 novembre 2015, une formulation plus vague, pouvant laisser penser qu'elle n'avait pas encore étudié la question (lire notre réaction à cette déclaration):

« La gare de la Mogère est aussi indispensable pour désengorger la gare Saint-Roch, qui sera dévolue aux TER, aux trains du quotidien.»

Carole Delga (maintenant présidente de la Région) reprend plus explicitement cet argument, mais pour Nîmes (où, sur ce point, le problème est le même), dans une vidéo intégrée dans un article du Midi-Libre du 13 mars 2016 relatif à sa visite à Nîmes:

« La gare de Manduel, elle est justifiée aussi sur le fait de pouvoir enlever le fret du centre-ville de Nîmes et pour pouvoir avoir aussi de nouveaux trains du quotidien sur le Gard et tout particulièrement autour de Nîmes».


La réalité: les trains de fret n'ont que faire de la gare de la Mogère (ou de Manduel)

La réalité est simple et cruelle: les projets de gares TGV de la Mogère et de Manduel sont des gares de voyageurs, pas des gares de marchandises. Les trains de fret ne peuvent donc pas les «desservir». Ils peuvent juste y passer, qu'une gare y soit construite ou non.

Ceci se comprend bien en consultant notre carte animée: on y voit que le Contournement de Nîmes et Montpellier (CNM) permet aux trains de fret de contourner les centres-villes et les gares de Nîmes et de Montpellier, sans qu'aucune gare y soit construite (il n'était d'ailleurs pas prévu d'en construire lorsque le projet a été mis au point et déclaré d'utilité publique, en 2005). Côté Nîmes, le CNM comporte un embranchement pour le fret à destination de Tarascon et Marseille, et une liaison dédiée au fret vers la rive gauche du Rhône (voie classique vers Avignon).

La carte du CNM déclaré d'utilité publique (extrait de notre carte animée):

Ceci se vérifie également à la lecture des documents de l'enquête publique du CNM, datant de 2004. RFF (Réseau Ferré de France, aujourd'hui SNCF Réseau) indiquait par exemple dans son Résumé non technique (11 Mo), page 13:

« 1.4.4 - Descriptif du projet
La ligne nouvelle mixte est destinée au transport de marchandises (fret) mais également au transport de voyageurs (notamment TGV). Environ 160 trains devraient emprunter la ligne nouvelle à l’horizon 2020 (total des circulations dans les deux sens), ce qui constitue un plafond, du fait des contraintes de capacité existant sur la section de ligne Montpellier/Narbonne (même modernisée, voir page 4).
Il n’est pas prévu de gare nouvelle, les TGV desservant les gares actuelles de Montpellier et de Nîmes

Le premier tome de l'évaluation socio-économique de RFF (23 Mo) indiquait les ambitions du CNM pour le fret, par exemple page 10 (le texte en gras est d'origine):

« Le Contournement de Nîmes et Montpellier constitue l'un des fers de lance de la politique de redéveloppement du fret ferroviaire. Maillon clé de la magistrale ecofret, le projet va permettre une amélioration très significative de la qualité du service offert aux chargeurs : meilleurs temps de parcours, plus forte garantie du respect des délais...»

La dernière page du même document explique que presque tous les trains de marchandises passeront par le CNM, hormis les dessertes locales, ou diverses situations perturbées ou obstacles techniques (le CNM étant alimenté en 25 kV alors que les lignes classiques du sud de la France sont en 1500 V):

« • Fret
Les trains de fret auront la possibilité d’utiliser de façon préférentielle la ligne nouvelle. Il est toutefois à noter que la ligne actuelle conservera un trafic de fret minimal : trains de desserte locale (Montpellier, Nîmes, Vergèze...), trains orientés sur la ligne actuelle afin d'optimiser l'exploitation du doublet de lignes (par exemple pendant la période d'entretien de la voie nouvelle voire), dans les prochaines années, certains trains tractés par des locomotives équipés uniquement pour les lignes électrifiées en 1 500 volts.»


L'utilité de la Mogère pour le fret: ses voies de stockage et non son bâtiment

En réalité, le projet «Mogère» a bien une utilité éventuelle pour les trains de fret, mais pas celle qu'on veut bien nous dire.

Le CNM, au niveau de la gare de la Mogère, passe de 2 voies à 8 voies (6 voies à quai et 2 voies pour les trains sans arrêt).

Or certaines des voies (celles sur le quai central) font 800 mètres de long. Ceci signifie qu'elles permettent aux trains de marchandises les plus longs de s'arrêter, le temps d'être doublés par des TGV éventuellement sans arrêt à Montpellier. Les voies les plus courtes (celles à l'extérieur) font déjà presque 600 mètres de long, bien plus que la longueur d'une double rame de TGV (400 mètres, depuis l'adoption du TGV Réseau, la SNCF ayant renoncé à généraliser les rames plus longues qui équipent le TGV Atlantique: 475 mètres pour une double rame de TGV Atlantique).

La gare de la Mogère n'ayant pas de service marchandises, elle ne servirait donc que de voies de stockage pour les trains de fret. Autrement dit: les voies construites sous la gare de la Mogère (par Oc'Via, dans le cadre du contrat de construction du CNM) peuvent avoir une utilité pour le fret, tandis que la gare elle-même (construite par Icade et Fondeville avec un actionnaire principal luxembourgeois) n'en a absolument pas.


L'origine du CNM: un projet européen pour améliorer le fret ferroviaire

Le CNM (contournement de Nîmes et Montpellier) est partiellement financé par l'Union Européenne, tandis que l'Europe ne verse pas un sou pour les gares de la Mogère et de Manduel. On comprend vite que la priorité, pour l'Union Européenne, est de mettre sur les rails une partie du fret qui traverse l'Europe en camion, et que son rôle n'est pas de subventionner les projets immobiliers de la Métropole de Montpellier.

Voici quelques éléments pour comprendre le rôle de l'Europe dans ce projet:
  • Nous sommes sur l'un des 9 corridors stratégiques de transports identifiés par l'Union Européenne, dans le cadre du RTE-T (réseau trans-européen de transports), en anglais TEN-T (trans-European network for transport). La page du RTE-T sur le site de l'UE (en anglais)

  • Concrètement, il s'agit du corridor n°9, dit «corridor méditerranéen», qui va du sud de l'Espagne (Algeciras) à la frontière entre la Hongrie et l'Ukraine. Entre l'Espagne (Algeciras-Figueras via la côte Almería-Valencia-Barcelone, et via la terre Séville-Madrid-Saragosse-Barcelone), et l'Italie (la plaine du Pô entre Turin, Bologne, Venise), la France est un axe de passage (Figueras-Perpignan-Montpellier-Avignon-Lyon-Turin), et un point clé avec Marseille et son port. La page du corridor méditerranéen sur le site l'UE (en anglais)

  • Certains projets, entrant dans le plan RTE-T, bénéficient de financement dans le cadre du programme européen CEF (Connecting Europe Facility - Programme de financement pour connecter l'Europe), qui prévoit 27 milliards d'euros pour améliorer les infrastructures de transports, et également des financements importants pour les réseaux numériques.

  • Dans notre région, c'est le rail que l'Europe estime utile d'améliorer, et on trouve parmi les projets identifiés pour le CEF:
Nom
Type
Description en anglais
Traduction en français
Barcelona - Perpignan Rail cross-border section, works ongoing, new line completed by 2015, upgrading existing line (gauge, sidings, platforms) tronçon transfrontalier, travaux en cours, nouvelle ligne terminée en 2015, amélioration de la ligne existante (écartement, voies de garage, quais)
Perpignan - Montpellier Rail bypass Nîmes - Montpellier to be operational in 2017, Montpellier - Perpignan for 2020 contournement Nîmes-Montpellier devant être opérationnel en 2017, Montpellier-Perpignan pour 2020
  • Lorsque le Contournement de Nîmes et Montpellier (CNM) est soumis au public en 2004 (et déclaré d'utilité publique en 2005), il s'agit d'un tronçon essentiellement dédié au fret ferroviaire, et accessoirement au TGV: c'est la première ligne mixte fret-TGV de France, en-dehors des tronçons internationaux (Perpignan-Figueras et tunnel sous la Manche).
    C'est pourquoi le projet ne comporte aucune gare, mais des raccordements dédiés au fret vers la ligne Nîmes-Marseille et vers la rive droite du Rhône. Le seul aménagement dédié aux voyageurs est l'embranchement de St-Brès, permettant aux quelques TGV prévus de desservir la gare de Montpellier St-Roch (qui ne s'appelait pas encore «St-Roch»).

Lorsque le financement est bouclé en 2012 (voir l'accord-cadre de financement du 25 avril 2012), et que tant la Région Languedoc-Roussillon que la Communauté d'agglomération de Montpellier imposent la construction de la gare de la Mogère en échange de leurs financements pour le CNM, l'Union Européenne ne fait pas partie des signataires de l'accord (alors qu'elle cofinance le projet), et le tableau récapitulatif illustre le fait qu'elle n'apporte pas d'argent pour les nouvelles gares TGV:

Extrait du tableau récapitulatif de l'accord-cadre de financement du 25 avril 2012:


Conclusion: halte à l'enfumage, la gare de la Mogère ne sert pas au fret!

C'est une évidence, mais cela va mieux en le disant.


info suivante =>